samedi 5 septembre 2009

Mehdi "Lbantouri" (35) - Amezmiz ou le refuge (3)

Arrivé aux abords du village, dont l’accès présentait une légère montée, il distingua au loin un petit minaret d’un blanc écarlate et très joli, entouré de petites maisons pour la plupart en pisé teinté à l’ocre jaune, on dirait une vasque de fontaine auréolée par des fleurs jaunâtres tirant sur le brun. Ce minaret donnait l’impression d’être le cœur de cette agglomération et en même temps, de par sa hauteur, insufflait à ses fidèles limitrophes un brin de sécurité en cette période précaire. Le temps artificiel du moment portait au marquoir l’année 1923 où Tanger fut revendiquée et promulguée enclave internationale par la France et l’Espagne. Les batailles au Rif se suivaient et une armée de 500 000 hommes harcelait sans relâche le fief de Abdelkrim El Khattabi, basé alors à Ajdir.
Mehdi n’hésita point et se dirigea tout de go vers la mosquée au centre du village sans échapper aux regards inquisiteurs des villageois. Ces derniers, en cette fin de journée, les jambes allongées, adossés au mur de leurs masures scrutaient avec attention ce nouveau venu avec sa monture qui semblaient sortir du néant. Mehdi passa son chemin et de temps à autre levait sa main en signe de salut qu’il ramenait à chaque fois sur son buste pour la faire glisser ensuite d’un empan comme l’us de la région l’exigeait. Ce seul geste semblait apaiser l’intrigue qui se lisait facilement sur ces voyeurs à la face ridée par les ânées de misère qu’ils avaient subies.
Enfin, devant la mosquée, Mehdi attacha sa mule et s’approcha de la porte où trois personnes conversaient sans faire attention à lui. L’une d’entre elles était vêtue différemment, portait des habits propres, un turban blanc, un burnous en laine et une paire de babouches assez neuves pour attester son appartenance à l’élite du village.
Après le salut d’usage, Mehdi demanda :
- Je cherche s’il vous plait lafkih (l’imam) de la mosquée.
- Que lui veux tu mon fils ? Rétorqua le notable.
- Je viens de très loin, à la recherche d'un travail et je voudrai lui demander de m’héberger jusqu’à demain.
- Ecoute mon fils, la maison de Dieu est ouverte à tout le monde, je suis l’mam de cette mosquée et je t’offre l’asile pour cette nuit chez moi.
- Dieu vous le rendra balbutia Mehdi avant d’être tiré par la main vers la masure du Fkih qui juxtaposait la mosquée.

Il eut juste le temps de détacher sa monture, de la tirer quelques mètres plus loin pour la parquer ensuite derrière la maison de son hôte. En emboitant le pas à celui-ci, il se disait que son étoile l’a peut être bien guidé cette fois ci. Il lui restait juste une carte à jouer celle de demander à servir la maison de Dieu, en échange du logis, de la nourriture et surtout de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture.
Mais il fallait attendre se disait-il, la suite des événements, et ne dévoiler sa demande qu’à coup sûr pour éviter d’essuyer un échec pour sa première tentative.
Si Maati, l’imam revint devant la porte pour faire entrer son invité de Dieu, content de donner l’exemple à ses fidèles du village...