lundi 23 novembre 2009

Mehdi "L'bantouri" (36) - Amezmiz ou le refuge (4)

Après le thé à la menthe de coutume, l’Imam, en montrant un seau d’eau rempli à Mehdi, l’invita à faire ses ablutions et le rejoindre à la mosquée pour la prière du soir (Al Ichaa).
Il hocha la tête en guise d’acquiescement pour ne pas outrer son hôte et fit signe de se lever. Mais dés que le Fkih, fut dehors, Mehdi revint s’asseoir. La tête entre les mains, le regard fixé vers un mur en pisé qu’il perçait pour se retrouver très loin par la pensée. Dans son esprit bouillonnant de colère pour avoir été empêché d’être celui qu’il voulait, pour être resté un bougre, un parfait illettré. Il parcourrait les tournants de sa vie en l’espace d’un éclair et ne comprenait toujours pas, malgré son avancée dans l’âge, pourquoi le destin a-t- il fait de lui ce qu’il était, lui qui aurait pu avoir la meilleure éduction possible, se retrouvait à quémander son pain en abruti attesté.
Maintenant, se dit-il, comme il l’avait tracé sur son chemin vers AMEZMIZ, il se devait d’impacter son avenir par ses choix présents. Pour commencer, il décida de dévoiler à l’Imam la vérité sur ses desseins. Il voulait commencer son séjour dans cette contrée sur de bonnes bases et ne trouvait de meilleure prise que celle de n’avoir pas fait ses ablutions et n’avoir pas suivi l’Imam à la mosquée.
Son hôte arriva sur ces entrefaites et découvrait Mehdi dans une position peu commune, le regard hagard, on aurait dit qu’il fût hypnotisé par quelques prestidigitateurs maléfiques. Le seau encore plein destiné aux ablutions n’a pas bougé de sa place.
Bien sûr, être Imam et recevoir sous son toit un infidèle était une chose inadmissible en ces temps là. Mehdi quitta enfin sa position léthargique et avant que son hôte encore perplexe, ne pipa mot, il lui lança sans ménagement, qu’il ne savait ni lire, ni écrire et encore moins faire la prière et qu’en fait son escale qui paraissait fortuite était plutôt ciblée.
L’Imam prit au dépourvu par cette déclaration, qu’il jugea sincère à travers le non verbal de l’enfant qui dénotait une gêne et une confusion apparentes, se dérida enfin un peu et invita Mehdi à lui raconter son histoire.
Quand la narration commença, Mehdi était loin de se douter qu’il avait déjà acquis l’art de convaincre. Il ne manquait pas de mettre des jalons aux périodes de sa vie où il devait être à l’école comme ses semblables, sans omettre de parler de la profession de son père.
La franchise du jeune vint au bout des appréhensions de l’Imam qui prit sur lui de l’aider en lui proposant de le prendre à l’école coranique qui juxtapose la mosquée. En retour, il devait s’occuper de menus travaux comme le nettoyage des salles de prière, comme la corvée de l’eau et sa préparation pour les fidèles etc…
En ces temps là, l’Imam était pris en charge par la population du village par un système de RTEB qui est un genre d’obole ou d’offrande que chaque ménage remettait à l’Imam pour subvenir à ses besoins. Cela va du manger préparé, au blé dur ou à la farine après les moissons. L’imam pour motiver le nouveau venu, lui promit de lui réserver une partie de ces donations pour plus tard s’il démontrait une bonne conduite et de l’acharnement dans son travail.
Cette école coranique et la mosquée existent toujours de nos jours et surplombent le centre ville et le souk de la ville d’AMEZMIZ