dimanche 2 août 2009

Mehdi "Lbantouri" (34) : AMEZMIZ ou le refuge (2)

Sur le chemin, alors que sa monture lui emboitait le pas, Mehdi, se mettait à nouveau à rêvasser d’un lendemain meilleur. Avec un référentiel peu fourni, il se remuait les méninges et s’en allait à s’imaginer quelqu’un de lettré, de connu et reconnu par ses paires, qui aurait des disciples à qui il transmettait son savoir et ses connaissances. Mais très vite, emporté par son élan d’imagination débordante, ce doux rêve se transforma en cauchemar, car il se retrouva à ressasser, encore, son besoin imminent d’apprendre à lire et à écrire et de facto, se retournait vers son père par qui ses malheurs arrivent, qui était, à ses yeux le seul responsable de son analphabétisme.
A chaque fois que ses rêveries de grands enfants le ramenaient sur ce même rivage, il se sentait en sueur et ceci affectait ses sens à tel point que les mécanismes de son corps les plus automatiques se déréglaient derechef, le mettant dans un état second, où ses membres ne répondaient plus à son système nerveux. Il ne s’aperçut guère qu’il marquait le pas d’une manière arythmique. La pauvre mule ne comprenait rien à l’allure tantôt accélérée, tantôt nonchalante de son maitre. Si ce n’est un souffle d’air assez violent qui vint à la rescousse pour rétablir l’ordre des choses et retirer le rêveur de son cauchemar devenu presque épisodique, le pauvre animal aurait souffert pendant longtemps.
Mehdi se retourna, instinctivement pour présenter son dos aux lames éoliennes aiguisées, véhiculant d’innombrables particules de sables et tout en marchant à reculons, titubant un tantinet, suite à sa longue léthargie, parvint à se ressaisir, à tirer sur les rennes de sa monture et reprendre le dessus sur les éléments de la nature.
Néanmoins, maitre Eole, permis au marcheur de se rendre compte que le paysage avait changé depuis son départ de Marrakech et que les premiers couloirs d’air frais annonçaient l’approche de la montagne et par conséquent sa destination. Il devait maintenant se préparer à nouveau à faire la quête du travail dans ce nouveau refuge. Il se disait dans son for intérieur que son destin est un perpétuel recommencement à une fréquence triennale. La seule chose dont il était, cette fois-ci, sûr est celle de chercher par tous les moyens à quitter les ténèbres de l’illettrisme.