mardi 25 novembre 2014

Comme quoi, jamais deux sans trois !


Et d’un
Pas plus loin qu’hier au soir j’ai eu la chance d’assister à la pièce : « La chute »  d’ALBERT CAMUS  interprétée par une sublime SOFIA HADI sur les planches du théâtre Med V. Ce fut une réussite et un pur délice de restitution d’une œuvre pourtant réputée difficile. Seule anicroche dans ce joli tableau est  celui de voir la salle désespérément vide, hormis une centaine de personnes, pour la plupart des sympathisants et quelques inconditionnels de la prose savamment écrite et récitée.
Bien que la prestation de SOFIA fût un régal à l’ouïe et à l’esprit, bien que je fus en extase devant la capacité phénoménale de mémorisation de cette actrice digne des grandes stars mondiales de cette planète, je ne pouvais empêcher, mon autre esprit de divaguer un tantinet. Je faisais donc des allers et retours entre le fil d’Ariane de l’œuvre, ponctuée par des jalons intelligemment rappelés par SOFIA et le vide stressant, accentué par des fauteuils repliés sur eux même. Décidément, me convainquais-je, que ce n’est pas demain la veille, que mes compatriotes reprendront goût à la culture et viendront se délecter des mots justes que l’interprète épelle pour que vogue la galère du savoir longtemps à quai.

Et de deux
Pas plus loin que ce matin, alors que je scrutais mon journal,  je vis sur la Une un titre qui me fit sursauter, « l’Ecole doit préparer les enfants à affronter l’avenir » et juste au-dessus de la tête de notre illustre ministre de l’éducation nationale (que je respecte beaucoup) en guise de bulle : « Cette année, nous étudierons essentiellement « Les Misérables » de VICTOR HUGO… !  Et tout de go mon esprit se remit en branle. Je parcouru rapidement l’article de fond en comble pour découvrir à la fin, avec étonnement, que c’est la première fois au monde qu’on reproche à nos petits clients, friands du verbe et avide du savoir , d’être analphabètes, pis, d’être incapables de lire ?? Je sus à l’instant que ma pauvre embarcation restera encore amarrée pour l’éternité.  A moins que  des vents favorables ne lui viennent en poupe et rappellent  au timonier, à la barre que « seul l’animal dès qu’il nait est déjà tout ce qu’il peut être », phrase mémorable que chaque enseignant a au moins une fois apprise dans son cursus.
Ensuite, l’approche qualité longtemps décriée dans les programmes scolaires, ne fait- elle  pas allusion à la notion d’exigence et de satisfaction client ? Notion où les clients externes sont nos chérubins et les clients internes nos enseignants.  Triste constat de reconnaitre que ni les premiers, ni les seconds ne sont satisfaits et nous osons parler de qualité.
Dans la qualité, mon compatriote et cher monsieur, on commence par mettre en place un référentiel, validé par les premiers concernés, on mesure ensuite, sur terrain les écarts par rapport à celui-ci et on met, enfin, en place les actions correctives nécessaires. Mais ceci est une autre paire de manche….j’y reviendrai peut être à la prochaine lune.

Et de trois
Pas plus loin que le mois dernier, je visitais l’école de mon quartier où j’ai été honoré de participer il y a deux ans à la création d’une bibliothèque avec l’apport d’un grand nombre de livres obtenus grâce aux efforts d’une enseignante qui s’est vouée corps et âme à cette tâche. Cette salle fut ensuite équipée avec plusieurs ordinateurs montés en réseau pour combattre la fracture numérique bien avant le programme GENIE.  Mais, je fus cloué sur place, où plutôt sous le préau quand j’ai vu que tous les ordinateurs, durement obtenus, gisent désormais sous une bâche dans un coin de la cours, on aurait dit les rebuts de production d’une quelconque usine.  Les pauvres œuvres restées dans la salle sont également ensevelis sous une tonne de poussière. J’en conclus derechef que même les 70%  d’écoles sans bibliothèque annoncés dans l’article sus cité, étaient désormais et indubitablement faux, car cette bibliothèque, ou ce qu’il en reste, venait  y semer le doute. Il me turlupine donc, celui qui parle de la forme et oublie le fond. Comment parler alors de bibliothèques si aucune activité ne s’y passe, si aucun poste budgétaire n’est créé à cette fin et aucune personne n’y est statutairement affectée ?    

Je comprends maintenant et vous avec moi, pourquoi SOFIA s’égosille avec des gallicismes raffinés devant une salle à moitié vide, pourquoi les enfants des misérables ignorent VICTOR HUGO et pourquoi nos pauvres enseignants, jugés incompétents, deviennent comme par enchantement des érudits dans les cours de soutiens et les classes privées.
Enfin, Il est trop tard, maintenant, il sera toujours trop tard. Heureusement ! (Mais ceci n’est que la chute de la chute d’Albert CAMUS)



Salah ABDELMOUMENE, un misérable issu de l’école publique