Et d’un
Pas plus loin qu’hier au soir j’ai
eu la chance d’assister à la pièce : « La chute » d’ALBERT CAMUS interprétée par une
sublime SOFIA HADI sur les planches du théâtre Med V. Ce fut une
réussite et un pur délice de restitution d’une œuvre pourtant réputée difficile.
Seule anicroche dans ce joli tableau est celui de voir la salle désespérément vide,
hormis une centaine de personnes, pour la plupart des sympathisants et quelques
inconditionnels de la prose savamment écrite et récitée.
Bien que la prestation de SOFIA fût
un régal à l’ouïe et à l’esprit, bien que je fus en extase devant la capacité
phénoménale de mémorisation de cette actrice digne des grandes stars mondiales
de cette planète, je ne pouvais empêcher, mon autre esprit de divaguer un
tantinet. Je faisais donc des allers et retours entre le fil d’Ariane de
l’œuvre, ponctuée par des jalons intelligemment rappelés par SOFIA et le vide
stressant, accentué par des fauteuils repliés sur eux même. Décidément, me
convainquais-je, que ce n’est pas demain la veille, que mes compatriotes
reprendront goût à la culture et viendront se délecter des mots justes que
l’interprète épelle pour que vogue la galère du savoir longtemps à quai.
Et de deux
Pas plus loin que ce matin, alors
que je scrutais mon journal, je vis sur
la Une un titre qui me fit sursauter, « l’Ecole doit préparer
les enfants à affronter l’avenir » et juste au-dessus de la tête
de notre illustre ministre de l’éducation nationale (que je respecte beaucoup)
en guise de bulle : « Cette année, nous étudierons
essentiellement « Les Misérables » de VICTOR HUGO… ! Et tout de go mon esprit se remit en branle.
Je parcouru rapidement l’article de fond en comble pour découvrir à la fin,
avec étonnement, que c’est la première fois au monde qu’on reproche à nos
petits clients, friands du verbe et avide du savoir , d’être analphabètes, pis,
d’être incapables de lire ?? Je sus à l’instant que ma pauvre embarcation
restera encore amarrée pour l’éternité.
A moins que des vents favorables
ne lui viennent en poupe et rappellent
au timonier, à la barre que « seul l’animal dès qu’il nait
est déjà tout ce qu’il peut être », phrase mémorable que chaque
enseignant a au moins une fois apprise dans son cursus.
Ensuite, l’approche qualité
longtemps décriée dans les programmes scolaires, ne fait- elle pas allusion à la notion d’exigence et de
satisfaction client ? Notion où les clients externes sont nos chérubins et
les clients internes nos enseignants. Triste
constat de reconnaitre que ni les premiers, ni les seconds ne sont satisfaits
et nous osons parler de qualité.
Dans la qualité, mon compatriote
et cher monsieur, on commence par mettre en place un référentiel, validé par
les premiers concernés, on mesure ensuite, sur terrain les écarts par rapport à
celui-ci et on met, enfin, en place les actions correctives nécessaires. Mais
ceci est une autre paire de manche….j’y reviendrai peut être à la prochaine
lune.
Et de trois
Pas plus loin que le mois
dernier, je visitais l’école de mon quartier où j’ai été honoré de participer il
y a deux ans à la création d’une bibliothèque avec l’apport d’un grand nombre
de livres obtenus grâce aux efforts d’une enseignante qui s’est vouée corps et
âme à cette tâche. Cette salle fut ensuite équipée avec plusieurs ordinateurs
montés en réseau pour combattre la fracture numérique bien avant le programme
GENIE. Mais, je fus cloué sur place, où
plutôt sous le préau quand j’ai vu que tous les ordinateurs, durement obtenus,
gisent désormais sous une bâche dans un coin de la cours, on aurait dit les
rebuts de production d’une quelconque usine. Les pauvres œuvres restées dans la salle sont
également ensevelis sous une tonne de poussière. J’en conclus derechef que même
les 70% d’écoles sans bibliothèque
annoncés dans l’article sus cité, étaient désormais et indubitablement faux,
car cette bibliothèque, ou ce qu’il en reste, venait y semer le doute. Il me turlupine donc, celui
qui parle de la forme et oublie le fond. Comment parler alors de bibliothèques
si aucune activité ne s’y passe, si aucun poste budgétaire n’est créé à cette
fin et aucune personne n’y est statutairement affectée ?
Je comprends maintenant et vous
avec moi, pourquoi SOFIA s’égosille avec des gallicismes raffinés devant une
salle à moitié vide, pourquoi les enfants des misérables ignorent VICTOR HUGO
et pourquoi nos pauvres enseignants, jugés incompétents, deviennent comme par
enchantement des érudits dans les cours de soutiens et les classes privées.
Enfin, Il est trop tard, maintenant, il sera toujours
trop tard. Heureusement ! (Mais ceci n’est que la chute de la
chute d’Albert CAMUS)
Salah ABDELMOUMENE, un misérable issu de l’école
publique
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