samedi 13 août 2011

Mehdi Lbantouri 37 : La résurgence

Une année s’écoula sans que Mehdi s’en rende compte. Il ne percevait plus devant lui que les tâches de nettoyage des salles de prières qui lui étaient assignées et se plaisaient à relayer une autre personne plus âgée que lui pour monter les longues marches du minaret pour l’appel des fidèles à la prière.
En contrepartie, l’Imam se chargeait de son éducation coranique et lui cumulait une partie de l’obole (RTEB) qu’il recevait des fidèles du douar.
Un soir comme les autres, après la prière du soir (Al ICHAA), il regagna son gîte pour dormir. Mais cette nuit là, le sommeil ne semblait pas vouloir de lui, ses yeux restaient grand ouverts et perçaient dans le noir le monde matériel qui l’entourait. Il n’arrêtait pas de ressasser dans son esprit le sens du verset coranique qui parlait des parents et du devoir de tout un chacun de s’en occuper sans mot dire, sans jamais dire ouf !

Pour la première fois, il sentait le repentir l’envahir pour n’avoir jamais demandé des nouvelles de son père ou de son oncle. Il s’étonnait un tantinet à cela, lui qui se refusait de reconnaître un soupçon de lien de parenté à quelqu’un d’autre après le grand départ de sa mère, voilà maintenant qu’il s’en voulait de ne pas chercher à revoir les siens un peu plus tôt. Quelle hérésie se disait –il, merci mon Dieu de m’avoir ouvert les yeux, merci de m’avoir appris à lire ton livre sain, merci d’avoir décidé que la prière pour Dieu seul soit en premier et faire du bien aux parents juste après.

Maintenant qu’il avait pris de l’âge, qu’il se sentait outillé et lisait couramment le coran, il se donnait mille raison d’aller réparer son erreur et cesser de fuir son père. Que risquait-il d’ailleurs ? Il était prêt à assumer, à supporter n’importe quelle remontrance de son père. Il se proposerait même de subvenir à ses besoins, lui donnerait volontairement tout le pécule qu’il a durement mais sainement gagné dans la mosquée avec l’Imam.

Il se retourna dans son lit et continua à rêvasser en essayant de classer ses idées plus ou moins adroitement en priorisant les plus importantes d’entre elles.
Mais au fur et à mesure que les heures s’égrenaient et la nuit s’avançait, Mehdi perdait sa lucidité et des fragments de sa cogitation devenaient tantôt chimériques, tantôt à la limite du vraisemblable. Malgré des efforts pour rester éveillé, il ferma les yeux et sombra incontinent dans un sommeil de plomb.

Son éducation islamique encore toute fraiche et son besoin inné de se reconnaître dans une entité familiale ont fini par resurgir, telle une résurgence d’une source magmatique, pour envahir son subconscient.

Même éveillé le lendemain, l’idée de repartir à la recherche des siens se faisait plus pressante et les freins qui le faisaient éloigner, se transformaient en mobiles fermes, favorables à son retour.

Le seul problème qui le tracassait encore était la manière de convaincre l’Imam de le laisser partir. Mais en bon musulman qu’il était devenu, en partie grâce à cet homme, il se devait de lui dire la vérité. La vérité est qu’il voudrait partir pour une semaine à Marrakech, prendre attache de son oncle, recueillir des nouvelles sur son père et entrer en contact avec lui. S’il est sur place, discuter avec lui, recevoir sa bénédiction et lui proposer d’habiter à nouveaux ensembles. S’il est loin, revenir à AMEZMIZ travailler jusqu’à la fin de l’année agricole, recevoir l’obole en nature des fidèles, récupérer la totalité de son pécule de son employeur (l’imam) et partir à la recherche de son père.

Ce petit plan établi, il décida d’en parler à l’Imam, tôt le matin et prendre le chemin de Marrakech aussitôt.

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