samedi 13 août 2011

Mehdi lbantouri 38:L’insolvabilité de l’Imam

Après l’appel à la prière de l’aurore (AL FAJR), Mehdi alla seller sa monture qui trois années durant ne faisait que les petites distances dans les champs pour transporter les oboles des fidèles ou pour quelques courses au compte de l’Imam. Avant de lui mettre le more et la bride, il lui déposa une motte de foin toute entière et un grand seau d’eau. La pauvre bête n’y comprenait rien aux humains, être sellée pour elle c’est le départ immédiat, être débridée et disposer d’une motte de foin c’est plutôt l’annonce d’un repos. Le comportement de son maitre lui paraissait incompatible avec la déontologie vétérinaire de son point de vue animal. La mule huma le foin, et sans y brouter une brindille, se retourna vers le seau d’eau et s’abreuva longuement.

Au lever du soleil, Mehdi alla trouver l’imam pour l’informer de son projet de départ pour un temps à la recherche de son père.

- Quoi, tu veux partir, tout de suite, comme ça, sans m’aviser au préalable ?
- Oui Si Lafkih, balbutiait Mehdi avant d’enchainer. Je pars juste pour une semaine, je crois que grâce à vous et à vos enseignements, je voudrais corriger mon erreur et aller retrouver les miens et avoir la bénédiction de mon père.
- D’accord, mais donnes moi au moins une semaine pour trouver quelqu’un pour assurer le nettoyage.
- mes camarades Abdellah ou Ahmed qui me donnent un coup de main de temps à autre pourront s’en occuper jusqu’à mon retour.
Sur un ton haussé l’imam répliqua :
- Bon, puisque c’est toi maintenant qui décide et planifie, tu peux partir.

Sur ces propos, le Fkih, tourna les talons et partit à toute vitesse.
Mehdi, étonné, ne reconnut plus son imam de tous les jours. Il dût courir après lui pour le rejoindre, lui prit la main s’abaissa pour la lui baiser comme de coutume avant de partir.

- Sidi vous devez me comprendre, je veux juste aller retrouver les membres de ma famille, les informer de mon lieu et revenir, c’est promis.

Avec un sourire de dédain, l’imam lui fait signe de partir et s’apprêtait à s’en aller, mais Mehdi le retint à nouveau et lui dit :

- A Sidi, je voudrais une partie de mon pécule pour le voyage.
- Quoi, Quel pécule ?
- Mon argent, le fruit de mon travail de nettoyage, comme nous l’avions conclu quand je suis arrivé ainsi que les sommes d’argent que je vous ai confié à chaque moisson ou récolte d’olives, vous vous rappelez ?
- Ah ! Toi tu oublies que je t’ai hébergé, nourri et enseigné et maintenant tu oses me parler d’argent ?

Mehdi fut sidéré et sous le choc sentit ses jambes frémir. Les yeux hagards, il voyait partir devant lui l’imam et ses rêves avec lui. Il ne comprenait plus cet être qui était pour lui emblématique, qui incarnait la justice, la droiture, l’équité et tous les gallicismes pour qualifier les apôtres et les hommes de foi.
Autre image frappante dans sa vie sur la condition humaine après celle d’Essaouira avec la juive et le gargotier.
A nouveau, il était devant un dilemme. Comment un homme de foi, un homme de Dieu qui connaît les préceptes de l’islam pouvait-il se comporter ainsi ? Est-ce que les paroles de Dieu qu’il prêchait n’avaient aucun sens pour lui et le faisait juste pour gagner sa vie sans aucune autre forme de conviction.

Ecœuré par le comportement de cet homme en qui il fondait beaucoup d’espoirs, il décida de ramasser toutes ses affaires et de partir pour de bon.
Il n’avait plus, en tout et pour tout que deux quintaux de blé dur qu’il avait engrangés depuis son arrivée. Il les chargea sur sa mule, après l’avoir bridée, se saisit de son menu frottin et tira sa mule pour la sortir de l’écurie en remarquant au passage qu’elle n’a pas touché à la motte de foin qu’il lui a servi au petit matin.

Il n’avait à ce moment là que dix guerchs (2 francs) et devait nécessairement trouver plus d’argent pour le voyage. Il eut alors l’idée d’aller chez un fidèle (Si Mohamed) qui avoisinait la mosquée et qui était très généreux dans ses offrandes. Il lui raconta sa mésaventure avec l’imam Si Maati et lui proposa de lui échanger ses deux sacs de blé contre un peu d’argents pour le voyage. Quand le prénommé sut la raison de son voyage et son but ultime d’aller retrouver son père, en plus d’être indigné par le manque d’empathie du Fkih, il accepta l’échange et rajouta une cinquantaine de guerchs en plus et lui promis du travail s’il revenait à AMEZMIZ un jour.

Mehdi remercie son généreux donateur pour son geste, le salua respectueusement, tira sa monture et se dirigea vers la sortie du village.

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