jeudi 30 août 2007

Mehdi "Lbantouri" - 7- La bonté d'une juive

Il faisait un froid terrible, Mehdi voulait d’abord manger, puis trouver le moyen de prendre le premier train en partance pour Marrakech. Le bon souvenir qu’il a gardé de son bref séjour chez son oncle et sa tante, lui dictait ce choix.
Il s’adressa alors à un gargotier pour manger, se réchauffer et se renseigner sur le moyen d’arriver à la ligne du chemin de fer. Le propriétaire lui demanda s’il avait de quoi payer, mais voyant que l’enfant n’avait qu’un réal en poche, il lui proposa de lui acheter sa djellaba contre un repas et quelques sous supplémentaires. Cet échange profitait bien sûr à l’acheteur, mais l’enfant n’y réfléchit point, la seule vue de la bonne chaire exposée dans un buffet, renforça son mobile et se dévêtit, mangea un menu repas et resta blotti dans un coin du restaurant pour se réchauffer alors qu’il n’avait plus sur lui qu’une chemise en toile kaki et un pantalon marron à rayures bleues, par endroits délavés, mais propre.
Mehdi s’était assoupi un moment en rêvassant à son future proche, quand soudain il fût réveillé en sursaut par le restaurateur qui ne voulait pas de dormeur chez lui. Le petit sans ménagement fut jeté dehors. Il se résigna, devant la force et l’intransigeance du gargotier et longea la même allée et s’engouffra presque machinalement dans une auberge qui faisait le coin. Le froid roidissait ses jambes et son torse et ne pouvait que chercher le premier refuge qui se présentait à lui.
L’aubergiste, une femme juive, dont la corpulence était imposante, intercepta Mehdi, tout grelottant et s’enquit de son état, elle avait tout de suite reconnu en lui un enfant dont la peau blanche et la face sans anicroche ne faisaient pas de lui un enfant de la rue. Sa tenue légère renforça ses soupçons et lui demanda ce qu’il faisait ainsi vêtu par un temps pareil.
Mehdi, lui raconta alors, comment il venait de perdre sa djellaba et le prix qu’il en avait eu. L’aubergiste, sortit de ses gonds, se mit à injurier le « mouchlem » qui avait profité de la crédulité de l’enfant et envoya derechef un de ses serveurs chercher le restaurateur en question.
Quand il fut devant elle, elle l’empoigna fortement par la main, le secoua et le somma de rendre sur le champ la Djellaba à l’enfant sans quoi, elle le dénoncerait aux gendarmes (les juifs, en ces temps là, étaient très appréciés par les Français). Le gargotier n’eut d’autres recours que de s’exécuter de peur de s’attirer les foudres de guerre de l’occupant.
C’est ainsi que Mehdi recouvra sa Djellaba, grâce à sa bienfaitrice providentielle. Ce fut pour lui une leçon qu’il n’oubliera jamais, une leçon sur la condition humaine, comment une femme qui n’était pas de sa religion pouvait elle le défendre contre un marocain et de surcroît un musulman ? Cet évènement affecta quelque peu son référentiel et pensait désormais que pour lui, être bon ou mauvais n’était point relié à la religion ou à la race.

14 commentaires:

Dr Mouhib Mohamed a dit…

bonjour Salah bravo pour la bonne femme juive ,et tu a raison" etre bon ou mauvais n' etait point relié à la religion ou à la race ".C'etait la belle époque où la tolerance regnait ,juifs et musulmans vivaient à la meme enseigne .La lecture de ton blog entre dans mes moeurs ça fait enomement plaisir.salut

Pierre a dit…

Bonjour Mr salah,
Je suis vraiment aspiré par l'émotion et la souffrance poignante qui se dégagent de vos phrases qui nous baigenent complétement dans l'univers du petit Mehdi qui me rappelle automatiquement Cosette de Victor hugo.Merci pour cette histoire qui me donne envie de la relire.

Zaki Mouhib

Pas a pas a dit…

Bonjour
Comme le dr mouhib,je retiens la "bonne juive"
J’ai connue moi une juive a Midelt qui faisait la loi au paysannat on l'appelait MISSOUDI et quand missoudi demandait quoi que ce soit, son ordre était exécute de suite,
J’ai le souvenir d'une femme qui tenait tête a ma mère et cela était une preuve de courage que ma mère appréciât aussi
Merci de ce souvenir
Patrick

Majid Blal a dit…

quand les gens sont bons et humains les religions sont bonnes et humaines et quand les gens sont belliqueux et teigneux, les religions deviennent mauvaises et sanguinaires.
Ce qui est surprenant pour nous comme pour le petit Mehdi c,est que la compassion vient de la ou on ne l'attendait pas comme une remise à l'ordre et un plaidoyer contre les preéjugés.
Amités et continue à nous raconter le cheminement dur du Self Made Man qu'était ton père.

S.Abdelmoumène a dit…

Merci Si Med

Quand mon père nous avait raconté celà, j'avais enfin compris pouquoi mon père respectait beaucoup les juifs et les défendait à Midelt, au temps où il était "Cheikh". J'imagine, avec beaucoup de recul maintenant, qu'il avait perçu chez cette bonne femme juive, quelques qualités que les humains les vrais se partagent sans détour, je cite l'humilité, la bonté et la bienséance, qualités qui l'ont marquées pour toujours.

S.Abdelmoumène a dit…

Pour Zaki,

Je suis très content que tu trouves cette biographie captivante. Tes encouragements, ceux du Dr Mouhib, de patrick, de Majid Blal, Akoujane, Dahou et bien d'autres me vont droit au coeur. Mille merci également d'avoir visité mon blog.

S.Abdelmoumène a dit…

Bonjour Patrick

Si tu as encore de bons souvenirs du paysannat, je voudrais me rappeler le nom d'un conducteur d'engins, trapu et brun, je pense qu'il était algérien (mais pas sûr), il était resté jusqu'en 1972 à Midelt, il avait une simca 1000 et la louait comme voiture pour l'auto école.
PS: Si tu peux également m'envoyer une photo de ton père (M.Maurice) à mon email : salh1954@yahoo.fr. Je t'enverai une photo du mien au paysannat dans les années 1972-73
Merci pout ton passage

S.Abdelmoumène a dit…

Merci Majid

Chaque fois que tu fais un commentaire, je ne peux m'empêcher de repenser au bon vieux temps, le temps des amourettes, la haute couture (je n'ai jamais su pourquoi on l'appelait comme celà) etc...
Ould Ami Mehdi te revaudra celà.

Pas a pas a dit…

bonjour Abdelmoumene
je viens de t'envoyer les photos de mes parents au paysannat
je ne vois pas qui est ce ce chauffeur excuse moi
patrick

S.Abdelmoumène a dit…

Bonjour patrick

Merci pour les photos, j'ai bien reconnu ton père, il venait bien à la quincaillerie de mon père. Maintenant je met le nom sur le visage.

Pas a pas a dit…

bonjour abdelmoumene
ce devais etre un grand moment
ton pere qui semble t'il etait une personne tres aimée et reconnu, qui rencontre le mien, je crois aussi aimé a midelt.
ce jour là deux grands hommes se parlaient et surement aussi etaient amis
merci pour les photos et aussi de paysannat a l'epoque je n'en ai aucune

patrick

S.Abdelmoumène a dit…

Pour Patrick

Si j'arrive à dégoter de meilleures photos du paysannat je vous les enverrais. C'est promis

Salah

Pas a pas a dit…

Bonjour abdelmoumene
encore merci
j'espere que tu trouveras des photos du paysannat
j'en reve
patrick

S.Abdelmoumène a dit…

Pour patrick
J'ai demandé à des amis qui habitent à lovettaz près de chambery, nés également à midelt pour me trouver des photos du paysannat des années 60. Dés que je reçois quelque chose je te le fais suivre avec plaisir.