lundi 17 septembre 2007

Mehdi "Lbantouri" -13- De nouveau sur les routes

Il avait maintenant 14 ans et se prenait déjà pour un jeune homme, sa carrure et sa stature brouillaient le jugement, il était bien sur ses jambes, ses yeux dénotaient une certaine hardiesse, qu’il se contestait de temps à autre à lui même en repensant à sa peur du scorpion encore toute fraiche.
Son ressouvenir de cet instant d’épouvante, lui rappelait toujours un tournant dans sa vie, tournant emprunté plus pour échapper à un lieu où pendant un court moment, il fut pris au dépourvu par le destin et où le sort l’avait si éventé que le fichu de sobriété et de courage qu’il portait tomba incontinent, mettant à découvert son visage d’enfant précoce.

Non sans avoir longuement remercié ses hôtes pour leurs magnificences, il quitta le douar alors que le soleil commençait juste à poindre à l’horizon. Il savait qu’il avait un long chemin à parcourir et s’angoissait déjà à l’idée de ne pas trouver de meilleures situations à celle où il était. Il avait pour seul bagage une besace qui contenait ses premières richesses, quelques habits qu’il avait troqués contre ses nombreuses journées de labeur, enfin, se disait-il, quelque chose qui m’appartient bien. Il venait de découvrir le délice de la possession et la joie de la propriété, honnêtement acquis.
Il s’en alla par le chemin qui l’avait conduit à ce douar d’un petit pas en se retournant de temps à autre comme pour se prouver à lui-même qu’il pouvait résister à la tentation de rebrousser chemin. Mais réellement, il se le reconnaitra à lui-même plus tard que plus il marchait et plus un pincement au cœur et un doute dans l’esprit le prenaient. La peur d’un lendemain sans visibilité le rattrapait et lui rappelait son état d’âme au jour de son arrivée trois ans auparavant.
Mais l’orgueil naissant, chez ce grand enfant, Mehdi savait déjà qu’il ne pouvait faire demi-tour sans que cela ne le discréditât aux yeux de tout le douar.Il se retourna résolument et pressa le pas pour s’éloigner rapidement et faire estomper l’enclin d’abdiquer qui le titillait encore.

6 commentaires:

Pas a pas a dit…

Bonjour
Où est le bonheur futur du petit garçon vers son passé ou vers son avenir
Quelle force autre que la peur du scorpion le pousse a partir malgré les années plutôt heureuses qu'il vient de passer ?
Il échange un présent sûr, pour un futur sans certitude
Une force ?une voix?
Nous ne le saurons sans doute jamais, c’est cela le piment de la vie
Amitiés
Patrick

Dr Mouhib Mohamed a dit…

bonjour Salah ;cette rencontre avec le scorpion est quelque chose qui ressemble au Maktoub,l'arrivee du scorpion a changé la direction du petit Mehdi vers un autre destin ?
ça rappelle la citation de Pahlo Coelo "quant un homme marche vers son destin,il est forcé de changer de direction",salut

S.Abdelmoumène a dit…

Bonjour Patrick

C'est Mehdi qui grandit et qui a démontré, par la peur du scorpion, qu'il n'était pas natif de ce rural éloigné.
Encore une fois sur les routes à la recherche d'un autre gîte, pourvu qu'à l'horizon aucun couvre-chef rouge (caractéristique du chapeau de son père) ne lui apparaisse.

S.Abdelmoumène a dit…

Si Med, Bonjour

Il y a toujours une raison à tout, des fois explicite, des fois refoulée ou inextricable. Heureusement qu'il y a le maktoub pour servir de bouc emissaire à celui qui reste pantois devant ce qui lui arrive.

Majid Blal a dit…

Bonjour Salah.
Après une halte momentanée pour se forger une confiance et quelques muscles, le voila qui reprend sa solitude dans son balluchon pour écumer les routes à la recheche de soi ailleurs. Partir, toujours partir, toujours un peu plus loin en quête de sa dignité bafouée et d'un peu de réconfort humain.
La misere humaine ne peut être justifiée par le Mektoub sinon ce serait la cautionner. Il n,y a pas, certes, de hasard mais l'effet papillon assure le lien des rapports de causalité.

S.Abdelmoumène a dit…

Bonjour Majid

Merci pour tes visites régulières et encourageantes (la même pensée va vers Si Mouhib et patrick).

Plus tard il nous raconta qu'en ces moments là, il ne savait pas assez ce qu'il faisait c'était une fuite vers l'avant.
La châtaigne, la baffe, le coup de pied, la gifle et toute forme de sévices corporels qui dans le temps ne choquaient point (surtout quand c'est un galopin qui déguste) sont la raison de cette fuite vers l'inconnu, vers l'incertain, avec comme seul mobile l'espoir d'un lendemain meilleur.